Chère Lucie,
Libérer les énergies dans l’équipe de fabrication que tu manages, cela n’a pas été un long fleuve tranquille. Peu de personnes osaient prendre la parole devant le groupe, les non-dits et les petits secrets étaient nombreux, sans parler des quelques querelles ancestrales que tout le monde (sauf toi) connaissait et qui empêchaient d’aborder certains sujets devenus tabous.
Tu as voulu donner plus de confiance aux personnes, réduire ton rôle de manager au strict minimum, et supprimer l’échelon hiérarchique qui existait entre toi et le reste de l’équipe. Pendant tout ce temps où nous avons travaillé ensemble sur ce sujet, il y a un procédé qui t’a marqué et que tu me demandes de formaliser aujourd’hui : cette fameuse « réunion de gouvernance » qui était le point de rendez-vous obligé, chaque mois, et le lieu où se concrétisait toutes les avancées.
Voici donc les éléments-clés de succès les plus importants.
Chaque mois, les 20 personnes de ce service de fabrication acceptent volontiers de quitter leurs ateliers pour une « réunion de gouvernance » de 60 minutes chrono, dans laquelle ils vont se gouverner eux-mêmes, ta présence n’étant là que pour observer et utiliser éventuellement une sorte de « droit de véto », d’ailleurs jamais utilisé au cours de notre expérience.
Les sujets de la réunion sont fixés par les personnes eux-mêmes au début de la réunion. Ils soumettent à un animateur (l’un d’eux) tous les points difficiles dans l’actualité de leur travail et tous les points de tensions dans la coopération. Nous avons compris que la réussite était en marche le jour où il y a eu tellement de points amenés, par des personnes différentes, que l’arrêt de la réunion au bout de 60 minutes a obligé une nouvelle programmation dans les jours suivants.
Le déroulement très précis de la réunion fait en sorte que les personnes apportant des sujets (sous forme de proposition et non de plainte, c’est obligatoire !) ont un pouvoir significatif pour faire avancer leurs idées. Ils sont amenés à expliciter leurs propositions et à l’enrichir des suggestions qu’ils acceptent, ils sont confrontés aux désaccords éventuels de leurs collègues, mais ils restent libres de maintenir leur proposition in fine, sauf si une personne exprime un « droit de veto », pour contradiction avec la raison d’être de l’équipe.
Ce qui garantit le succès, c’est aussi ta veille discrète, dans les jours suivants la réunion, pour aider à ce que les décisions se traduisent dans les faits.
Ce type de réunion est assez directif, en tout cas dans la forme. Sa rapidité et son déroulement empêche des débats approfondis sur des sujets de fond, qui devront trouver leur place à d’autres moments de la vie de l’équipe.
Cette expérience a donné plus de pouvoir de décision aux personnes, sur tous les sujets concernant directement leur travail et leur coopération. Il s’en est suivi un niveau de motivation étonnant, que tu m’as dit n’avoir jamais connu depuis ta prise de fonction il y a 10 ans.
Je pense que c’est le début d’un nouveau chemin et je te souhaite de belles découvertes avec ce nouveau mode de gouvernance !
P.S. : Tu trouveras ci-joint un descriptif du format de déroulement que nous avons utilisé pendant la mise en place.